L’expression latine pollice verso est utilisée dans le contexte des combats de gladiateurs, pour désigner un geste de la main que faisaient les foules de la Rome Antique pour juger un gladiateur vaincu. Cependant, le type de geste décrit par cette expression pollice verso et le sens à lui donner reste imprécis, que ce soit d’un point de vue historique ou littéraire.
Dans la culture populaire, il a été supposé à tort que le pouce baissé signifiait la condamnation à mort d’un gladiateur en cas de défaite, le pouce levé épargnant quant à lui le combattant. Cette image a été largement répandue au xixe siècle par la peinture de Jean-Léon Gérôme Pollice verso qui représente le triomphe d’un gladiateur qui attend le verdict de la foule.
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Avec l’avènement d’internet, de nouveaux phénomènes sociaux ont vu le jour. Internet permet d’interagir avec des évènements partout dans le monde en temps réel et le nombre des pouces bleus dans les réseaux sociaux nous incitent à choisir un camp, pouce vers le haut pour aimer ou vers le bas pour détester, comme dans une arène romaine où, d’un geste le public décidait de la vie ou de la mort de l’infortuné gladiateur. Cela nous donne l’impression que notre opinion compte, on se sent important, parfois tout puissant, quand le nombre de « j’aime » atteint des sommets.
Un de ces phénomènes nouveaux que l’on peut observer est la solidarité inconditionnelle virtuelle. Elle exprime un soutien farouche et sans conditions à une personne, son combat ou à son idéologie qu’on adopte en cliquant sur ce pouce. Du fait de ce clic, on choisit son camp.
Être vraiment solidaire c’est dénoncer au niveau de sa sphère d’influence par une action concrète. Pour un journaliste, c’est écrire des articles, pour un avocat, proposer ses services pour rien, pour un juge ou un parlementaire essayer de changer la loi… ceux-là se mouillent donc, mais qu’en est-il pour un profil possiblement faux ou anonyme sur les réseaux sociaux, qu’est-ce que cela lui coûte ? Un statut « Solidarité absolue avec untel » ? Quatre mots tout au plus ? Cela ne s’apparenterait pas plutôt à un vote ou un pari qu’on aimerait gagner ?
Dans un autre cas de figure, même si on n’est pas d’accord avec les idées de la personne, on peut être solidaire avec elle à cause d’une injustice qu’elle subit. Encore faudrait-t-il être sûr que ce soit une injustice. Mais comment le savoir ? Sur internet, pour tout évènement, il y a 36000 théories et manipulations toutes aussi farfelues les unes que les autres. Il n’existe aucun moyen de le savoir sauf si on se fie sur les on-dit ou sur les pouces levés ou non ?
Est-ce qu’un jour, l’innocence et la culpabilité des gens se fera à travers le comptage des « Pouces vers le haut » versus « Pouces vers le bas » sur internet ?
Est-ce vraiment sain et logique d’apporter un soutien inconditionnel à une personne ?
Prenons un exemple concret, Tarik Ramadan, adulé par la communauté musulmane du monde entier qui l’a soutenu « inconditionnellement » lors de ses déboires judicaires. Il était clair pour la communauté que c’était un complot, un traquenard, qu’il payait son éloquence légendaire et sa défense de l’Islam et des musulmans, malmenés il est vrai, en Europe mais surtout en France. Il a fini par avouer ses crimes. Une grande partie de ses soutiens inconditionnels se sont évaporés. Ils ont donc menti et rompu leur pacte en quelque sorte.
Il reste encore une partie, fidèle, têtue et on va le dire cohérente avec son idée première, qui continue malgré ses aveux de justifier par un procédé tortueux, aussi tortueux que son discours à lui, ses crimes et son immoralité.
Ici l’inconditionnalité est liée à la communauté, la Oumma, elle peut l’être aussi vis-à-vis d’une région ou d’un quartier ou d’une famille.
Autre exemple, un chef de parti algérien est convoqué par la justice pour s’expliquer sur une affaire de droit commun. Une affaire relative au décès d’un ouvrier étranger dans le chantier de construction de sa maison. La justice demande la levée de son immunité parlementaire, en réponse elle reçoit une levée de boucliers de sa part et de la part de ses partisans, majoritairement virtuels, qui le soutiennent inconditionnellement. Ils sont convaincus que la justice a été instrumentalisée pour l’évacuer du champ politique car il gênerait le pouvoir en place.
Bien sûr, il reste innocent jusqu’à preuve du contraire, ce n’est d’ailleurs pas le sujet de ma réflexion. Je pense pour ma part que la mort a été accidentelle, cela arrive dans les chantiers, cela peut arriver chez tout le monde d’ailleurs, même chez un opposant politique, nul n’est à l’abri et nul, non plus, n’est au-dessus de la loi.
Je peux comprendre que l’on soutienne son désir d’accéder à la fonction suprême, c’est l’objectif de tout chef de parti politique après tout et ses partisans ont même le devoir de le soutenir dans ce sens. Mais pourquoi inconditionnellement ? Il y a eu mort d’homme quand même ! Personne n’est solidaire du défunt ? De sa famille ? La procédure judicaire ne doit pas suivre son cours ? Le fait reproché n’a absolument rien à voir avec ses activités. Inconditionnel, dans son cas, sonne à mes oreilles comme « quoi qu’il ait fait ».
Il se présente pourtant comme le candidat du changement qui va nous emmener vers avenir meilleur, avec une justice indépendante. Tout ce qu’on a vu pour l’instant c’est une révolution numérique. On est passés de la justice du téléphone, à la justice des réseaux sociaux. Le progrès est en marche !
Dernier exemple en date, Saïd Djabelkhir, l’islamologue algérien. Bien sûr je suis solidaire, mais pas avec lui, pas avec sa personne, mais avec sa liberté de penser, avec sa lecture moderne qui tente de mettre à jour notre façon d’appréhender notre religion. D’autant plus que c’est dans ses cordes et de ses prérogatives vu son parcours académique.
Il s’est fait ester en justice par un ingénieur en informatique, je propose à l’islamologue, en retour, d’ester l’informaticien en justice au moindre bug dans son ordinateur. Je vous laisse imaginer la réponse de l’ingénieur.
Question à Monsieur l’ingénieur, devrons nous revenir à windows 1.0 et ne pas mettre nos ordinateurs à jour vers la dernière version avec ses dernières mises à jour ?
La seule chose inconditionnelle ou immuable que nul ne peut remettre en doute, quand on y réfléchit, est bien l’amour d’une mère envers son enfant. Tout le reste n’est qu’illusion, manipulation et propagande.
Qu’il pointe vers le haut ou vers le bas, un pouce ne détiendra jamais la vérité.
Bravo, bel article!
Merci Syrine pour tes encouragements.